Work & the City : Notre bureau doit-il être beau ?


Notre bureau doit-il être beau ?

Parce que nos façons de travailler évoluent si vite, les moteurs des projets d'aménagement de bureaux sont avant tout la rationalisation immobilière et l'adaptation à de nouvelles pratiques de travail.

La dimension esthétique ne s'exprime, elle, que plus rarement. Pourtant, il est indéniable que les nouveaux aménagements de bureaux se traduisent par une montée en gamme de l'environnement de travail. Des aménagements de meilleure qualité, plus soignés, et souvent plus beaux. Quels bénéfices nous apporte le fait d'évoluer dans de beaux bureaux ? Quels sont les liens entre le fait d'avoir un beau bureau et la qualité de vie au travail ?

Petit détours par la philosophie et la neuro-esthétique pour élever nos esprits en cette rentrée, comme le ferait un coucher de soleil face au Mont-Blanc ou un tableau de Monet.

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Ce que nous ressentons face au beau

Percevoir le beau est universel : c'est ce que nous apprend la lecture de Kant. Si, en tant qu'être humain, nous avons chacun une appréciation qui nous est propre de ce qui est beau, notre point commun est de nous émouvoir face au beau. "Le beau surprend, il émeut profondément et emporte l’âme loin des représentations utilitaires qui l’accaparent ordinairement" nous dit Claude Obadia dans Le mystère de l'expérience du beau.

Ce qui caractériserait l'expérience du beau selon lui, serait de vivre une expérience à la fois physique et intellectuelle, d'unir dans ce que nous appelons "beauté" une diversité de choses (une personne, un paysage, une voix, etc.) qui ont pour seul point commun cette beauté, et le fait de s'inscrire dans une subjectivité qu'on imagine objective : nous voulons partager ce que nous jugeons beau, car nous pensons qu'autrui pourra connaître la même expérience.

Beau et cerveau : la neuro-esthétique

Les neurosciences entraînent leur lot de critiques (notamment celle de ramener les comportements humains à de simples équations biologiques), mais suscitent un engouement qui ouvre de tout nouveaux sujets de recherche.

Parmi ceux-ci, un nouveau champ disciplinaire en sciences étudie depuis le tournant des années 2000 ce qui se passe dans le cerveau lorsqu'on est face à la beauté, essentiellement dans l'art, qu'on en soit spectateur ou créateur. Ses recherchent se fondent sur l'imagerie cérébrale pour comprendre les connexions neurales qui s'observent pendant une expérience esthétique. Selon les pionniers de la neuro-esthétique, "la capacité d'attribuer différents degrés de beauté à certaines formes, couleurs ou mouvements est un trait humain acquis après la divergence des lignées humaines et d'autres singes", faisant de l'expérience de la beauté une caractéristique de l'humanité.

Lorsqu'on est confronté à des images d'un niveau d'esthétique particulier, des zones cérébrales spécifiques s'activent. Le neurologue Pierre Lemarquis, écrit que quand on écoute une musique qui nous plaît, notre cerveau sécrète des neurotransmetteurs qui activent le circuit de récompense, ce qui va participer au bien-être de l’observateur.

Le beau est un soin

Si le sentiment de beau est caractéristique de l'être humain et procure du bien-être, alors comment ne pas considérer qu'offrir un environnement de travail qui soit beau est une marque de considération incontournable de l'employeur envers ses salariés, un pilier de cette attention, ce "care" dont on parle tant ?

Et si tous les salariés n'auront pas tous la même appréciation de ce qui est beau - les fameux "goûts et les couleurs" - tous reconnaîtront qu'un soin a été accordé à l'esthétique, qu'un effort y a été investi, et que c'est une marque de reconnaissance, cet ingrédient clé de la qualité au travail.

Nos biais positifs en faveur de ce qui est beau sont tels qu'ils ne pourraient que bénéficier aux entreprises. Prenez cette étude récente en psychologie qui a comparé les notes d'étudiants à une "note de beauté" donnée par leurs enseignants. Devinez quoi ? Les étudiants avec la meilleure note de beauté avaient aussi les meilleurs résultats. On pourra s'indigner de ces observations, tout en retenant qu'il y a de fortes chances qu'un salarié ou candidat accorde lui aussi une meilleure "note" à un employeur qui offre de beaux bureaux.

Le beau bureau ne suffit pas

Si le beau apporte ce supplément d'âme tout sauf anecdotique, mettre l'accent sur la dimension esthétique ne saurait se faire au détriment des besoins concrets des salariés. Une moquette luxueuse et fragile qui freine les salariés dans leurs mouvements (à l'heure où une pratique dynamique du bureau est encouragée), des installations à couper le souffle qui concentrent une part importante du budget quand d'autres postes "basiques" sont rognés...comme souvent, il s'agit de bien positionner les curseurs.

D'autant que selon les cultures professionnelles, les salariés peuvent vite se retrouver mal à l'aise devant des choix esthétiques qui véhiculeraient un sentiment d'opulence ou de démesure. À l'heure où la sobriété est dans tous les esprits et feuilles de routes, beauté se conjugue avec simplicité. Comme toujours, le définir en associant les salariés reste un bon moyen d'éviter de faire fausse route...

🌍 Dans les bureaux de.... Erica, l'exception de la tech, à Londres

Erica, présentez-nous votre bureau ! Mon entreprise Highspot dispose d'un bureau personnalisé dans un immeuble de coworking. L'espace est moderne avec salle de sport, vestiaires, casiers à vélos. Le coworking met à disposition des cuisines approvisionnées en snacks, boissons et café, qui sont régulièrement nettoyées. Dans notre espace, chaque équipe dispose d'une section de bureaux qui lui est attribuée. Deux personnes seulement disposent de leur propre bureau. Nous avons aussi des salles de réunion et neuf cabines téléphoniques.

Revenez-vous souvent au bureau aujourd'hui ? Qu’est-ce qui vous plaît le plus en y allant ? J'aime venir au bureau, j'y suis presque tous les jours. Mais je suis l'exception. Je n'ai pas de bonnes conditions de travail chez moi et je m'épanouis dans la collaboration en personne. Nous sommes tous encouragés à venir le mercredi, jour de notre réunion EMEA.

Qu'avez-vous à votre bureau que vous n'avez pas à la maison ? Les gens :) J'aime vraiment être entourée d'autres personnes et le bruit de fond me permet de me concentrer un peu plus. J'apprécie aussi d'avoir de nombreuses possibilités de déjeuner dans le quartier, ce qui m'oblige à prendre du temps pour ça.

Du côté de Comme on travaille : un projet à la loupe au salon Préventica

👓 Curieux de savoir à quoi ressemble un projet Comme on travaille ? Le salon Preventica, référence sur la santé et sécurité au travail, a publié la vidéo de notre conférence à Strasbourg, le 18 juin dernier. En binôme avec Margot Schmidt du SDEA, notre client, nous avons présenté dans le détail leur projet d'optimisation et modernisation de leur siège de Schiltigheim, un bâtiment de 2018 à l'architecture majestueuse qui s'est révélé peu évolutif et adaptable. Retrouvez notre interview de sortie conférence ici et le replay complet (il faut créer un compte, c'est gratuit.)

🏖️ Votre été a comporté plus de farniente que de lectures pro (bravo !) et vous avez manqué notre édition de juillet sur la personnalisation des bureaux ? Retrouvez-là ici, nous savons que c'est un sujet épineux !

Nous avons hâte de vous retrouver pour une nouvelle saison de perspectives sur Work & the City ! À la prochaine, Camille Rabineau & l'équipe de Comme on travaille

Cette newsletter vous est préparée par Comme on Travaille, cabinet d'aménagement des espaces de travail centré sur l'humain. Nous accompagnons les entreprises déterminées à faire de leurs projets d'aménagement des projets fédérateurs, en utilisant le co-design et les outils de l'intelligence collective. Si vous aimez nos analyses et souhaitez nous encourager, pensez à nous pour vos conférences, ateliers et accompagnements liés aux nouveaux modes de travail dans votre organisation !
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Camille Rabineau - Comme on travaille - camille@commeontravaille.fr

Camille Rabineau

Urbaniste, experte des nouveaux espaces de travail, je partage dans ma newsletter Work & the City des perspectives sur l'évolution du bureau, des modes de travail et leurs impacts sur la ville.

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