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Camille Rabineau

Work & The City - Incivilités au travail : se comporte-t-on moins bien au bureau que chez soi ?

Published over 1 year ago • 5 min read

Se comporte-t-on moins bien au bureau que chez soi ?

Le sujet de cette newsletter nous a été inspiré par une discussion pour notre dernier article sur les aménagements de bureaux éco-responsables. David Canonge, fondateur de la société Little Big Impact, nous expliquait comment le lieu de travail peut jouer un rôle dans notre adoption de gestes plus favorables à l'environnement. Au fil de la discussion, a surgi cette question : nous comportons-nous mieux ou moins bien au bureau que dans le reste de notre vie ? Sur le plan des éco-gestes et plus largement, le bureau est-il un lieu de passagers clandestins ou de contrôle social qui nous tire vers le haut ? Work & The City a voulu savoir.

Si cette lettre vous a été transférée et que vous ne voulez pas manquer de recevoir les prochaines, c'est par ici :-)

Incivilités au travail, de quoi parle-t-on ?

La notion d’incivilité au travail n’est pas, à proprement parler, définie juridiquement. L’accord du 23 juin 2010 sur le harcèlement et la violence au travail la mentionne. En cas de débordements, l’entreprise peut mettre en œuvre son pouvoir disciplinaire et appliquer une mesure proportionnelle à la faute commise. Si l'incivilité est à ranger dans la grande famille des comportements négatifs au travail, c'est son caractère ordinaire qui la distingue. "Une nuisance sociale qui bouscule la vie en société" nous dit le cabinet spécialiste des risques psycho-sociaux Éléas.

Son rapport paru en 2014 nous éclaire : 42% des salariés se disent victime d’incivilité sur le lieu de travail en France, un chiffre en augmentation. Les professions au contact du public sont les plus concernées (77% des personnes travaillant à un guichet ou accueil, 66% dans un commerce).

Manies énervantes et nouveaux codes à construire

Parmi le top 10 des incivilités recensées : Laisser les espaces communs sales ou en désordre (84% des répondants), gêner la concentration d’autres collègues par des bruits (81%), ne pas dire « bonjour » ou « au revoir » (76%), couper ou accaparer la parole (76%) arriver en retard sans s’excuser (75%), vapoter, manifester son ennui en réunion...un catalogue de mauvaise habitudes dont on mesure le caractère explosif quand on anime, comme nous, de nombreux ateliers autour des règles de vivre ensemble à l'occasion d'un réaménagement de bureau.

La dématérialisation des échanges et les usages numériques du cadre professionnel sont facteurs d'incivilités nouvelles : la viralité qu’ils permettent pouvant produire un décalage entre l’intention d'un individu et les effets ressentis de son action par autrui. Aurélie Laborde, autrice de l'ouvrage Les incivilités numériques au travail (2021) pense qu’ "Avec le télétravail, les règles de courtoisie et de respect mutuel sont remodelées. Elles répondent à de nouveaux codes et peuvent crisper ceux qui sont attachés aux manières de faire plus classiques ».

Quant aux comportements écologiques, une étude anglaise de 2018 s'est penchée sur le recyclage entre maison et bureau : alors que 99% des britanniques recyclent chez eux, seulement 85% disent le faire au bureau , et cela baisse jusqu'à 78% chez les employés les plus séniors. Le manque d'incitation, des dispositifs de tri mal faits (les poubelles individuelles de bureau semblent les grandes ennemies du recyclage), ou le manque de retour sur l'impact des actions individuelles sont quelques explications à ce décalage.

Pourquoi les incivilités nuisent-elles à l’efficacité au travail ?

Les incivilités au travail , derrière leur caractère anecdotique, ne doivent pas être prises à la légère. Elles sont une source de dépenses d'énergie inutile et de charge mentale pour les salariés, en créant des situations ambiguës et inconfortables dont on va chercher à comprendre l'origine et trouver un moyen pour qu'elles ne se reproduisent pas . Elles dégradent le bien-être des salariés en véhiculant un climat d'irrespect et d'inattention à l'autre pouvant produire chez les salariés du stress, de la démotivation, des absences voire des accidents du travail et m eme des agissements plus grave, comme du harcèlement ou des agressions physiques.

Le nudge, un outil anti-incivilités

Au-delà des efforts de prévention, de communication et de mise en place de règles collectives, le nudge est une solution de plus en plus étudiée dans la lutte contre les incivilités de tous ordres.

Popularisée par les Prix Nobel R.Thaler et C.Sunstein, le nudge ou "coup de coude" veut nous aider à agir dans la bonne direction en nous envoyant des incitations imperceptibles. Le nudge s'appuie sur l’hypothèse selon laquelle l’homme se comporte comme un être irrationnel, influencé dans ses prises de décisions par des biais cognitifs. Selon Coralie Chevallier, chercheuse à l'Inserm, « la plupart de nos choix sont influencés par nos émotions immédiates, notre expérience passée ou les normes sociales en vigueur ».

Parmi les "nudges" célèbre, les sculptures de mégot géant dans les gares pour décourager leur abandon, les passages piétons colorés qui réveillent la vigilance, les escaliers revalorisés de fresques et stickers pour faire privilégier l'exercice physique à l'ascenseur.

Le nudge est encore peu utilisé dans la sphère des ressources humaines. Selon Eric Singler de BVA, qui a créé un département nudge, "Les politiques RH fonctionnent encore beaucoup selon le principe de la carotte et du bâton."

Confrontée aux incivilités des voyageurs, la SNCF s'est positionnée en pointe du nudge avec sa "nudge unit". Une approche qui selon sa responsable Isabelle Colin, bénéficie aux cheminots, car il s'agit de l'environnement de travail des agents. Nudge ou pas, se poser collectivement la question de ce qui peut aider à faire adopter de meilleurs comportements ne peut être qu'un levier de bien-être au travail.

On a repéré aussi...

💶 Le cout de l'environnement de travail en baisse depuis la pandémie : un poste de travail coûte en moyenne 12 481 € par an, loyer, charges d'exploitation, équipements et services aux collaborateurs compris. Une moyenne en chute de 10% sur les cinq dernières années et de près de 20% depuis 2009, qui s'explique d'abord par la baisse drastique des déplacements professionnels. (-49% depuis 2017).

🔮 À l'approche de 2023 les prévisions en matière RH sont de sortie, et un rapport Glassdoor/Indeed prédit que malgré les signes de récession qui pointent, le marché du travail restera tendu à cause du vieillissement de la population et de salariés toujours plus exigeants.

🚗 Les impacts du télétravail sur nos déplacements sont largement fantasmés. Le laboratoire LVMT de l'Université Gustave Eiffel et de l'École des Ponts nous sort du brouillard avec les résultats d'une étude sur l'Île-de-France et nous apprend que :

  • Les jours privilégiés pour le télétravail étant les lundi, mercredi et vendredi, un retour à la situation avant-Covid s'observe sur la congestion des transports en commun et du réseau routier les mardi et jeudi.
  • Le télétravail génère plus de déplacements personnels et de loisirs. Au bout du compte, le nombre de déplacements est plus ou moins le même qu'auparavant, mais les distances parcourues sont plus courtes.
  • Le télétravail ne semble pas accélérer la démotorisation des ménages franciliens. Les personnes les plus utilisatrices de télétravail vivent loin et prennent les transports en communs pour se rendre au travail, mais leur voiture reste essentielle pour les déplacements de loisirs.

Camille Rabineau & l'équipe de Comme on travaille

Nous sommes Comme on Travaille, consultantes et facilitatrices spécialistes des nouveaux modes & espaces de travail. Nous accompagnons les entreprises déterminées à faire de leurs projets d'aménagement des projets humains, en utilisant le co-design et les outils de l'intelligence collective. Nous sommes les bonnes fées qui viennent mettre du lien et emmener les équipes dans des projets complexes, souvent mal perçus au départ.
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Camille Rabineau - Comme on travaille - camille@commeontravaille.fr

Camille Rabineau

Camille Rabineau fondatrice de Comme on travaille

Urbaniste, experte des nouveaux espaces de travail, je partage dans ma newsletter Work & the City des perspectives sur l'évolution du bureau, des modes de travail et leurs impacts sur la ville.

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